L'écume de ma vie
Extrait d'un travail en cours depuis 2015
Voici l’histoire qui me relie à mes grands-parents, Alice et Albert, des gens de l’ordinaire, ceux dont on ne parle jamais, ni dans les journaux encore moins dans les magazines. Deux êtres qui ont su vivre, avancer, malgré les doutes et les épreuves, jour après jour.
Évidemment, quand on marche sur les traces de son passé, il y a toujours une présence qui vous accompagne. Elle ne vous quitte pas, plus forte qu’un simple souvenir, malgré l’absence. Retourner en Bretagne, c’est revenir à la source, celle d’une vie, là où tout est tendre et encore permis, ce territoire où n’existent encore ni blessure, pas même une écorchure.
Notre voyage a duré une vingtaine d’année avec mes grands-parents. Papi est parti le premier. Ça a été une déchirure sans nom pour moi. Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter et apaiser son absence. Trois ans plus tard, alors que je vivais en Amérique latine, ma grand-mère a décidé de s’arrêter en chemin. Après avoir passé plus de cinquante ans aux côtés de son époux, la vie était devenue trop difficile, seule. Elle a mis fin à ses jours. Je me rappelle très bien du vide qu’il y avait dans ses yeux pendant ces années d’absence, la difficulté à lui dessiner un sourire, malgré tout l’amour que l’on se portait mutuellement. Ce n’était pas suffisant. Et depuis, je n’ai plus de grands parents.
Mais j’ai eu une chance formidable : j’ai connu mes grands-parents. J’ai la certitude que leur présence m’a permis d’évoluer d’une certaine façon. Certainement sans le vouloir, simplement par ce qu’ils étaient, ils m’ont transmis un modèle de vie. Ils ont su me montrer qu’avec de la volonté, les choses deviennent possibles. Je pense notamment à mon grand-père et à son chemin de vie tortueux : la guerre, l’alcoolisme, le tabagisme, la perte d’un œil, un infarctus et j’en passe. Malgré cela, jamais je ne l’ai entendu se plaindre. Jamais. Mamie nous disait toujours que notre grand-père était dur au mal. Et derrière ses apparences d’homme à qui on a appris à être fort, il était d’une tendresse incroyable. Quant à mamie, je me souviens encore lorsqu’elle me faisait un bisou et que j’essuyais ma joue juste après. Ça nous faisait rire tous les deux. Elle a toujours été pour moi une Sainte Femme, pleine d’Amour et d’une gentillesse infinie. C’est simple, tout était écrit dans le bleu de ses yeux et dans son sourire. À eux deux, ils m’ont offert des trésors de vie inestimables : la simplicité, apprendre à s’écouter et être le plus juste possible, savoir se dépasser dans la vie car rien n’est jamais donné et ne pas craindre le temps qui passe car il joue toujours en notre faveur.
Aujourd’hui, quand tour à tour je regarde maman, tonton Joël et tata Chantal, je vois ma grand-mère, mon grand-père et l’un et l’autre réunis, et pour tout dire, ça fait du bien.
Alors ces quelques images de Bretagne sont évidemment un prétexte pour parler d’eux. Et afin d’éviter toute paraphrase, voici ce pont, qui relie les souvenirs au moment présent, l’enfance au monde adulte, l’amour d’un petit garçon à ses éternels grands-parents.